Dans la série "Ma grand-mère m'a dit"
Dernière mise à jour : 7 août 2021
Les tatouages de mes aïeules.

Quand j’étais petite, je me souviens avoir vu des photos de mon arrière grand-mère et avoir aussitôt pensé : “Tiens, c’est bizarre, elle a des tatouages sur le visage !!” Pour moi la culture Kabyle de mes parents et de mes grands-parents était plutôt conservatrice et je m’étais dit que mon arrière grand-mère devait être une femme vraiment moderne pour s’être fait tatouer de la sorte!
Aujourd’hui, je connais un peu plus notre histoire et nos traditions et je sais que ces tatouages ont une signification plus profonde. J’ai donc appelé ma grand-mère (en facetime s’il vous plaît!), pour lui demander plus de détails sur ces tatouages traditionnels.
Les femmes du village avaient pour coutume de se tatouer elles-même ou de se tatouer entre elles. Les tatouages étaient signes de beauté, mais surtout on pensait qu’ils pouvaient apporter une sorte de protection spirituelle. Ainsi, les jeunes filles arboraient des symboles en tout genre sur leur visage, plus particulièrement sur le menton et le front, le cou, les bras, les mains et même les jambes. Chaque symbole représentant un mot ou une phrase. Par exemple : “bonheur”, “protection de la maison”, “bénédiction”.
Une personne pouvait aussi se faire un tatouage sur une jambe ou un bras blessé, car selon les croyances celui-ci aiderait à la guérison.
Mais dans les années 50, comment faisaient-elles? Et bien, avec ce qu’elles avaient sous la main! D’abord, il fallait faire brûler un morceau de bois. Une fois le feu éteint et le bois refroidi, elles prenaient un petit morceau de charbon et l'écrasaient sur une pierre plate. La poudre de charbon mélangée à un peu d’eau formait alors une encre noire. Avec un bâtonnet très fin, elles dessinaient alors les symboles qu’elles désiraient sur leur peau. Puis elles utilisaient, soit une aiguille à coudre, soit une épine de figues de barbarie pour faire pénétrer l’encre à l’intérieur de la peau et ainsi rendre le dessin permanent. C’est une méthode artisanale qui pouvait être douloureuse mais qui a été utilisée pendant des générations.
C'est une tradition pleine de positivité et d’espoir. Dans un monde où le tatouage est devenu quelque chose de purement esthétique, je souris en pensant à mon arrière-grand-mère qui arborait les siens avec fierté dans son petit village perdu des montagnes de Kabylie.
Par Karine Lossio-Hamiche
Source - Mamie Fifi.
